Black sunday by Tola Rotimi Abraham

Black sunday by Tola Rotimi Abraham

Auteur:Tola Rotimi Abraham [Abraham, Tola Rotimi]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Autrement
Publié: 2021-08-25T07:43:50+00:00


3

Comment perdre son amoureux à Lagos

Bibike

2006

Je n’étais pas prête quand on s’est rencontrés. C’était l’année de mes vingt ans. Tous les signes étaient déjà là. La terre me soufflait de me préparer à une vie solitaire. Mais je ne savais pas écouter. Je n’ai rien vu. J’avais la bouche béante, comme un crocodile qui en réclame toujours plus.

Son visage était pareil à la grande muraille de Benin City : solide, marron, large, il semblait fait pour tenir les étrangers à distance. Sa bouche aux dents nombreuses et serrées était une douve profonde. Il y a peut-être d’autres façons de décrire ses lèvres pleines, ses joues creuses, son front proéminent qui se divisait en quatre quand il fronçait les sourcils, mais même avec le recul, je ne vois que l’inaccessibilité étudiée de tout ça.

Quand je dis que son visage était inapprochable, je n’exagère pas. Il me faisait penser à la maison délabrée à côté de chez nous où les garçons qui travaillaient dans les bus longue distance se réunissaient pour fumer de l’herbe en fin de journée. Ses yeux étaient petits et toujours rouges. Lorsqu’il me regardait, j’avais envie de demander pardon pour tout le mal que j’avais pu faire.

Mais quand on s’est rencontrés, ce n’est pas son visage qui a attiré mon attention. Ce sont ses jambes. C’était un samedi, au début de la saison des pluies. J’étais pressée et j’étais partie sans mon parapluie. Le temps que j’arrive à l’arrêt de bus, le vent s’était levé et il était trop tard pour faire demi-tour. C’est lui qui m’a vue le premier. J’ai senti comme une brûlure sur ma nuque. Je me suis retournée et mes yeux se sont posés sur ses longues jambes. Je portais une robe légère qui se battait avec le vent et j’essayais de coincer le tulle entre mes cuisses. Il avait des jambes aussi épaisses et majestueuses que le tronc d’un chigomier. Il a dû remarquer mon regard, car il les a vivement resserrées, et j’ai senti l’ombre de son parapluie au-dessus de moi. Il pleuvait déjà. C’était une fine bruine, mais les caniveaux autour de nous étaient encombrés de détritus et je n’ai pas tardé à patauger dans l’eau boueuse. Il m’observait sans rien dire, tandis que je regardais la pluie bousiller mes chaussures de travail et caresser ses chevilles.

Tous les gens qui attendaient le Rapid Transit Bus en imperméable, s’abritant sous des parapluies ou des sacs en polyéthylène, tous leurs bavardages et leurs murmures – à propos de la cohue matinale, du caniveau bouché, du retard du bus, de l’arrivée inutilement précoce des pluies à Lagos – n’étaient que le bruit de fond de mon destin.

La cinquième fois que je l’ai vu, je lui ai adressé la parole. Et c’était pour lui demander s’il habitait seul.

Il se nommait Constantin, comme l’empereur, mais je l’appelais Aba, en référence à sa ville natale. Il n’en parlait pas souvent, si ce n’est pour dire : « Un homme doit aller là où est l’argent. Aba sera toujours là quand j’y retournerai.



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